L'Art d'interviewer
Il y une distinction principale entre la recherche entreprise
pour réaliser un reportage journalistique et la recherche
que l'on fait en vue de rédiger un exposé scolaire
ou un rapport à l'intention de sa patrone. C'est que les
journalistes cherchent absolument à interviewer les
gens : ça leur permet d'obtenir de l'information
directement des gens concernés. |
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Lorsqu'une journaliste chevronnée interviewe quelqu'un,
on dirait que ça lui vient tout naturellement. On a l'impression
qu'elle est là à bavarder avec une grande amie.
Mais derrière l'apparence d'une simple conversation, il
y a une technique précise. La journaliste a fait de la
recherche sur le dossier en question, en consultant des personnes-ressources
et des documents de toutes sortes, et en situant le dossier dans
un contexte plus large. Ce faisant, elle a pu déterminer
le genre d'information qu'elle va maintenant rechercher auprès
de la personne qu'elle veut interviewer. Puis, elle dresse une
liste de questions à lui poser.
Il faut concevoir l'interview comme une conversation où
l'on poursuit un objectif précis. On n'est pas là
pour le simple plaisir d'échanger avec quelqu'un -- on
veut quitter l'interview ayant en main les réponses à
des questions spécifiques.
La préparation de
l'interview
Est-ce que, lors d'un concert scolaire, tu oserais entrer sur
la scène en chantant sans connaître la mélodie
ou les paroles de la chanson? Il est fort probable que non -
à moins que ton but soit de faire rire les spectateurs!
Il en est de même avec une interview : l'on n'entre jamais
dans une situation d'interview sans une préparation adéquate.
- Commence par te renseigner sur le sujet en faisant un peu
de lecture. Fait des recherches sur l'Internet ou à la
bibliothèque, et feuillète le journal pour des
articles pertinents. Renseigne-toi sur l'historique du dossier,
sur ses derniers développements et sur les attentes relatives
à lui. Serait-ce pertinent de t'informer sur l'évolution
de ce dossier dans d'autres villes, d'autres provinces ou pays?
- Décide du thème central de ton reportage. Puis,
penche-toi sur la question suivante : qui faudra-t-il interviewer?
Qui peut nous renseigner sur les faits et les statistiques? Qui
nous aidera à connaître le côté humain
du dossier?
- Écris les questions que tu veux poser à la
personne interviewée. (Voir la section ci-dessous sur
comment poser les bonnes questions).
Comment fixer le rendez-vous
- Téléphone à la personne que tu désires
interviewer. Demande-lui si elle peut t'accorder une interview
en personne. Ceci est préférable car c'est ainsi
qu'on peut observer les expressions et les gestes de la personne
et qu'on peut voir son lieu de travail ou encore où elle
habite
- Ceci dit, il y aura des occasions où tu ne pourras
pas rencontrer la personne faute de temps, ou parce que la distance
en question est trop grande. Dans de telles circonstances, l'interview
se fait par téléphone. Précise au début
de la conversation téléphonique que tu aimerais
faire une interview et utiliser les commentaires de la personne
dans un reportage.
- Comme dernier recours, tu peux interviewer les gens via le
courrier électronique. Mais souviens-toi que la langue
parlée n'est pas tout à fait pareille à
la langue écrite, alors tu pourrais te retrouver avec
des citations qui ne semblent pas très naturelles ou spontanées.
De plus, en envoyant une liste de questions à la personne,
tu lui cèdes le contrôle de l'interview : elle peut
décider de répondre à certaines questions
et d'ignorer d'autres, ou d'adresser une question particulière
de façon superficielle. Par contre, quand tu fais l'interview
en personne, tu peux tout de suite faire le suivi d'une réponse
en demandant des précisions.
Comment poser les bonnes
questions
Ton but, comme intervieweur our intervieweuse, c'est d'inciter
une autre personne à parler ouvertement, à communiquer
de l'information pertinente ainsi que ses opinions. Il y a certaines
questions qui te faciliteront la tâche et d'autres qui
la rendront plus difficile. Voici des questions typiquement posées
par les journalistes :
Les questions ouvertes encouragent la personne
à parler, et à divulguer leurs opinions et leurs
sentiments relatifs à une question quelconque. Ça
leur permet de donner leur point de vue ou de raconter leur histoire
sans qu'il soit nécessaire de les pousser à continuer
à tout moment. Par exemple, voici ce que tu pourrais poser
comme question au garçon qui a sauvé sa petite
soeur qui se noyait dans la rivière :
- « À quoi as-tu pensé en voyant que ta
soeur éprouvait de la difficulté dans l'eau? »
Tu invites ainsi le garçon à raconter l'histoire
du sauvetage. Il est fort probable que cette question-là
provoquera une réponse plus intéressante et complète
que ne le ferait la question suivante :
- « Cela a dû t'effrayer de voir que ta soeur éprouvait
de la difficulté dans l'eau, n'est-ce pas? »
On dit de la deuxième question qu'elle est fermée,
probablement parce qu'elle n'aide pas la personne interviewée
à s'ouvrir aux autres! Normalement, les questions fermées
incitent la personne à répondre avec un simple
« oui » ou « non ». Remarque que ce genre
de question pourrait convenir à certains moments de l'interview.
Elles t'aident à obtenir de l'information critique et
une réponse définitive. Exemple :
- « Monsieur Leloche, est-ce que vous avez pris l'argent
de la petite caisse du secrétariat de l'école?
»
Ainsi, Monsieur Leloche devra répondre « oui
» ou « non », réponse qui est essentielle
à la rédaction de ton récit.
Plusieurs reporters croient qu'ils doivent se montrer acharnés,
presque aggressifs, lors de l'interview dans un effort de pousser
les gens à répondre à leurs questions. Mais
le contraire est souvent vrai. C'est là où les
questions neutres s'avèrent utiles. Une
question neutre est directe. Elle ne contient pas ton opinion
sur le dossier. Tu ne présumes pas connaître la
réponse d'avance.
- « Madame la directrice, pourquoi est-ce que l'école
a décidé d'annuler le bal des finissants cette
année? »
Cette question est plus efficace que la question suivante
:
- « Madame la directrice, pourquoi avez-vous gâté
les célébrations des finissants en leur enlevant
leur bal? »
La deuxième question est tendancieuse
- elle indique que tu as déjà parti pris, que tu
as déjà tendance à voir les choses d'une
certaine façon. Cela peut mettre la personne interviewée
sur la défensive; elle peut même contester ta question
-- et cela ne t'aidera pas à obtenir une réponse
à ta question!
Les reporters posent souvent des questions à deux
volets afin de profiter le plus possible de l'unique
occasion de parler qu'on leur accorde lors des conférences
de presse, ou afin de tirer le maximum de leur interview. Mais
souvent ces questions à deux volets ne donnent pas le
résultat escompté. En voici un exemple :
- « Monsieur Giroux, est-ce que les étudiants
pourront utiliser leurs planches à roulettes dans le stationnement
de l'école l'année prochaine et pourquoi est-ce
que l'école doit embaucher des gardiens et gardiennes
de sécurité pour superviser le terrain de l'école
après les classes? »
Il est possible que Monsieur Giroux n'ait pas entendu les
deux questions et qu'il se contente de répondre à
l'unique question qu'il a saisie. Ou, peut-être choisira-t-il
intentionnellement de se limiter à une seule question,
répondant à celle qui lui semble la plus facile.
Dans ces cas, le reporter doit tenter de nouveau d'obtenir une
réponse à la question négligée. Il
est préférable de poser chaque question séparément
afin d'obtenir des réponses complètes.
Vers la fin de l'interview, on pose souvent des questions
qui aident à résumer l'information obtenue.
Ainsi, on s'assure d'avoir bien saisi l'ensemble de l'information
pertinente avant de terminer l'interview -- plutôt que
de remettre en question une fois assis devant l'ordinateur. Voici
trois questions qui nous aident à vérifier qu'on
a bel et bien obtenu l'information nécessaire avant de
clore l'interview.
- «Y a-t-il autre chose que j'aurais dû vous demander?
»
- « J'aimerais m'assurer que j'ai tout saisi....»
- « Alors, si j'ai bien compris, il y a trois questions
principales à cette affaire....»
L'enregistrement de l'interview
Quand il s'agit d'enregistrer l'interview, tu as trois options.
Tu peux prendre l'information en note dans un cahier, tu peux
enregistrer avec un magnétophone ou encore tu peux enregistrer
avec un appareil vidéo.
Voici quelques conseils pour bien prendre en note les réponses,
si tu choisis cette option :
- concentre-toi sur la personne interviewée et sur ce
qu'elle dit;
- écris les détails importants aussi vite que
possible;
- utilise des abbréviations, des codes et des symboles
pour transcrire les réponses, selon la méthode
qui te convient le plus, personnellement, car c'est toi qui devra
déchiffrer tes notes par la suite;
- lis tes notes aussitôt que possible après l'interview
pour te raffraichir la mémoire;
- après l'interview, remplis les blancs que tu t'es
permis pour aller plus vite en prenant tes notes; sinon, quelques
heures ou jours plus tard tu risques d'avoir oublié ce
que tu prenais pour acquis dans ton système de «
sténographie » .
Tu peux également essayer d'enregistrer l'interview
avec un magnétophone tout en prenant quelques notes. Ainsi,
tu peux te concentrer sur les réponses de la personne
plutôt que sur le processus d'enregistrement comme tel.
Avec cette méthode, tu prends des notes de façon
sélective, transcrivant les réponses spécifiques
que tu aimerais citer ou indiquant dans ton bloc-notes les sections
de l'interview où la personne mentionne un fait important.
Ces notes t'aideront plus tard à repérer les extraits
critiques de la bande sonore pour obtenir la citation ou les
détails exacts. |