Costa Rica
  Programme de mentorsÉditions précédentes
Branche-toi sur RDRBoîte à outilsProgramme de mentorsDans la salle de classeÉditions précédentesCe NuméroPage d'accueil
Boîte à outilsDans la salle de classeCe Numéro


Journal de bord

Par Marie-Andrée Fortier
Sherbrooke, Québec


Costa Rica

21 janvier au 28 janvier

Mes objectifs pendant le séjour:
Apprendre et me former sur le métier de journaliste, apprendre sur le Costa Rica, pratiquer mon espagnol, me sensibiliser aux autres réalités, à la pauvreté et à la coopération internationale, profiter de chaque moment et « tripper » au maximum.

Mes craintes:
Puisque j’ai été sélectionnée, l’équipe de tournage à sans doute des attentes par rapport à moi et j’ai peur de ne pas être à la hauteur. J’ai aussi peur que ça finisse trop vite comme ça arrive souvent.

Comment je me sens maintenant:
Fébrile, hystérique, excitée ! Je n’y crois toujours pas, c’est comme un rêve. Je suis impatiente, mais en même temps, je veux profiter de chaque minute. Je me sens tellement privilégiée. Je suis super enthousiaste, mais malheureusement je suis en plein milieu de l’avion et je ne vois rien par le hublot. Je trouve cela incroyable d’imaginer que je traverse les États-Unis, le Mexique, tellement de pays où je n’ai jamais mis les pieds. L’équipe est super aussi, tout le monde déborde d’énergie malgré une nuit presque blanche. Moi, j’étais trop excitée et je n’ai pas réussis à fermer l’œil. Je relis mes notes d’espagnol, je regarde les photos de mon guide sur le Costa Rica et je parle et crie de joie avec Fanny. Tout est super !

 

Vendredi, le 21 janvier 2000

Ma journée s’est déroulée:
Atterrissage disons spécial à San José, la chaleur, le paysage qui nous envahit, le centre d’achat quasi floridien, l’auberge, la visite du musée national du Costa Rica où sont exposés des antiquités du temps des premiers indigènes, le souper typique, dodo…Super !

Ce que j’ai aimé le plus aujourd’hui:
L’odeur qui caractérise ce pays est indescriptible ; c’est chaud, c’est sucré et ça nous met tout de suite dans le bain. Les montagnes qui nous entourent aussi sont magnifiques, la nature, c’est vert partout !

Ce que j’ai aimé le moins aujourd’hui:
Me sentir touriste, loin de la réalité costaricienne, confortable à l’auberge puis à être dans un musée. Je me sentais encore « extérieure » à tout cela. J’ai hâte de plonger pour de vrai.

Ce qui m’a marqué le plus:
À quel point la ville est américanisée, c’est désolant. Le rêve américain est présent partout. Des Subway, des McDo, des PFK, on parle anglais partout. Déprimant. La culture américaine insère ses tentacules petit à petit.

Commentaires, réflexions:
Les gens sont plus blancs que je ne l’aurais cru, on pourrait confondre certains avec des québécois. Je ne me sens pas encore dépaysée et j’ai hâte de sortir de San José et de découvrir tout ce que le Costa Rica a à offrir.

 

Samedi, le 22 janvier 2000

Ma journée s’est déroulée:
Superbement ! On a rencontré des gens au mercado central ; une vielle dame vendant des plantes médicinales, des enfants en vacances qui jouent au football. Tout est à découvrir, c’est fascinant.

Ce que j’ai aimé le plus aujourd’hui:
C’est aller au cœur de la ville, au devant des gens. Les entrevues étaient intenses, ces inconnus qui nous parlent de leur vie de ticos (qualificatif désignant les costariciens). J’ai aimé entendre parler de la vraie vie des ticos, au-delà de l’image riche, touristique et américanisée de la ville.

Ce que j’ai aimé le moins aujourd’hui:
C’est de me sentir voyeuse en approchant les gens blessés, souffrants et tristes à l’hôpital en tant que jeune reporter. J’avais l’impression de les violer dans leur souffrance, d’exploiter leur malheur.

Ce qui m’a marqué le plus:
C’est à quel point les gens sont faciles d’approche. De purs inconnus nous disent bonjour (hola) en pleine rue, ils acceptent de se livrer à nous de façon entière, c’est touchant. Le vendeur d’ocarinas (instrument de musique) qui fait cela illégalement pour nourrir ses enfants m’a ému. La caméra est un vrai passeport qui suscite l’intérêt et donc, les contacts avec les gens. Cependant, dans certains cas, ça peut être le contraire.

Commentaires, réflexions:
Je suis contente de pratiquer mon espagnol, c’est motivant, je comprends de mieux en mieux. C’est tellement plus facile d’apprendre sur le terrain. Le tournage c’est quelque chose, on ne doit pas perdre une seconde, il faut avoir l’air naturel même si c’est la quatrième prise, on doit repérer les trucs intéressants et ne pas s’attarder trop sur les autres choses.

 

Dimanche, le 23 janvier 2000

Ma journée s’est déroulée:
Nous sommes allés au volcan Poas, un lieu super touristique. Ensuite, nous sommes allés à une multinationale de café où des comédiens nous expliquaient l’histoire et le procédé pour faire du café. Pour faire tout ça, nous avons roulé à travers la campagne, les montagnes et les paysages sont splendides.

Ce que j’ai aimé le plus aujourd’hui:
Faire semblant d’être agréablement impressionnée par la multinationale de café afin que le fondateur, méfiant, accepte de nous accorder une entrevue. C’était si excitant, je me sentais comme une vraie journaliste qui joue la comédie pour obtenir des informations parce que le public a le droit de savoir !

Ce que j’ai aimé le moins aujourd’hui:
Il y avait beaucoup de touriste qui faisaient la visite de la multinationale avec nous (des canadiens !) et après la présentation, ils se sont précipités pour acheter du café. J’aurais aimé qu’ils sachent pour l’exploitation des paysans et qu’ils achètent du café équitable (tout le contraire du café de la multinationale).

Ce qui m’a marqué le plus:
C’est à quel point notre perception des choses est manipulée et qu’on nous dit ce qu’on veut nous dire. Durant la présentation, on nous disait que les ticos étaient incroyablement heureux de travailler dans les production de café de la multinationale alors que je sais qu’ils sont carrément exploités (environ 12$ US par jour pour un bon cueilleur). Il est facile de se laisser séduire par cette mise en scène pour un touriste non averti.

Commentaires, réflexions:
C’était merveilleux de sortir enfin de San José et de voir du pays ! C’est fou ce que le mode de vie d’un costaricien change d’une place à l’autre. En ville, ils ont des autos, portent des vêtements Nike et mangent chez McDonald. Ailleurs, dans le même pays, les gens vivent pauvrement de la culture du café et ne savent pas lire ou ne vont pas à l’école.

 

Lundi, le 24 janvier 2000

Ma journée s’est déroulée:
Nous sommes allés dans deux barrios (villages pauvres) et avons rencontré des familles qui nous ont parlé de leur vie et de la pauvreté. Nous avons aussi assisté à une pièce de théâtre jouée par des personnes âgées avec qui l’organisme Cefemina, partenaire de Plan Nagua, travaille pour améliorer les conditions de vie, leur donner confiance en elles.

Ce que j’ai aimé le plus aujourd’hui:
Parler et jouer avec les enfants des barrios, ils étaient adorables. Entrer dans la vraie vie des ticos et me rendre compte que l’éducation et la santé gratuite et accessible à tous, c’est beaucoup plus théorique que pratique.

Ce que j’ai aimé le moins aujourd’hui:
C’est d‘entrer dans la vie des gens pendant cinq minutes, de parler avec eux, c’est drôle, c’est bouleversant, touchant et j’aurais voulu rester mais il fallait partir si vite pour continuer le tournage. J’aurais voulu prendre mon temps pour bien connaître et rire avec ces gens.

Ce qui m’a marqué le plus:
La petite fille de 13 ans dont la mère l’a abandonnée et qui vit avec son frère dans une autre famille comme une petite esclave à laver, faire les repas, garder les enfants. À 13 ans, elle a le corps d’une fillette de 9 ans. Parler avec cette petite qui avait une boule dans la gorge était poignant.

Commentaires, réflexions:
Je me rends compte à quel point la société québécoise, si bien dans son confort, perd peu à peu ses valeurs humaines. Dans les barrios, les gens n’ont presque rien. Ils n’ont pas le choix de trouver leur bonheur dans la famille, les amis, etc. Nous visitions et tous les enfants nous suivaient, nous parlaient, les femmes étaient fières de nous recevoir chez elles et nous invitaient à revenir. Elles nous offraient des cadeaux alors qu’elles ne nous connaissaient à peine. Elles nous laissent entrer dans leurs maisons et nous parlent d’eux. Ils ne font pas pitié, ils sont heureux avec ce qu’ils ont.

 

Mardi, le 25 janvier 2000

Ma journée s’est déroulée:
La journée a été plus relax que les autres. Nous avons visité quelques universités puis nous avons rencontré l’ancien président du Costa Rica, détenteur d’un prix Nobel de la paix, monsieur Oscar Arias Sanchez ainsi que monsieur Durand, directeur de la Fondation Arias qui œuvre pour la paix. Après, on a fait du magasinage.

Ce que j’ai aimé le plus aujourd’hui:
L’entrevue avec monsieur Arias était tellement intéressante ! J’étais émerveillée par ses propos sur la paix, la pauvreté, la santé et l’éducation, un discours que tous les politiciens ont mais que très peu le transforment en action. Monsieur Arias, oui, il a fondé la Fondation Arias qui agit concrètement.

Ce que j’ai aimé le moins aujourd’hui:
Monsieur Arias était très sérieux et par le fait même, intimidant. J’avais peur de faire une gaffe. Je me suis aussi sentie frustrée de ne pas comprendre tout ce qu’il disait en espagnol.

Ce qui m’a marqué le plus:
J’ai appris que grâce à la Fondation Arias, le Panama et Haïti n’ont pas d’armée, tout comme le Costa Rica, et ils travaillent à l’interdire dans la constitution même du pays. C’est incroyable, je trouve cela extrêmement admirable. La Fondation agit concrètement et il y a des résultats, pas seulement des paroles.

Commentaires, réflexions:
Je trouve ça tellement extraordinaire qu’un homme au pouvoir se rende enfin compte que c’est tellement plus important que son peuple ait quelque chose dans le ventre et un livre dans les mains plutôt qu’un fusil sur l’épaule. Pour moi, c’est le simple bon sens. Cela prouve que les grands leaders politiques du Canada et des Etats-Unis qui se croient tellement civilisés en ont encore à apprendre de certains pays dits en voie de développement. Semble-t-il qu’ils ont compris des choses qui sont encore trop complexes pour nos dirigeants.

 

Mercredi, le 26 janvier 2000

Ma journée s’est déroulée:
À 4h00 du matin, on se lève, douche froide et puis on part ! Durée prévue : trois heures de route pour arriver à la coopérative de café. Après un bout dans les routes bossues de la montagne et avec des ravins de chaque côté du camion. Première crevaison, puis un autre... Fanny part seule pour la coopérative de café et je vais la rejoindre plus tard. Au retour, on a eu deux autres crevaisons. Une vraie blague !

Ce que j’ai aimé le plus aujourd’hui:
C’était l’aventure, l’inattendu. J’étais excitée. Je riais à chaudes larmes à l’idée d’être en panne au milieu de nulle part, sans eau ni nourriture. Les paysages étaient paradisiaques. J’ai vu une iguane et une grosse araignée poilue.

Ce que j’ai aimé le moins aujourd’hui:
Beaucoup de pression à cause des crevaisons, ce qui faisait en sorte que nous perdions du temps. Nous n’étions pas certains d’en avoir assez pour se rendre à la coopérative de café pour réaliser un tournage important. Personnellement, je trouvais la situation amusante, perdus au paradis. J’ai cependant eu peur de ne pas aller à la coopérative de café.

Ce qui m’a marqué le plus:
À quel point le café équitable a changé la vie de ceux qui le cultivent (avec la coopérative). Je trouve cela impressionnant, les enfants d’un cultivateur rencontré vont à l’école, sont en santé puisqu’il reçoit un prix équitable pour le café vendu.

Commentaires, réflexions:
J’ai été contente d’être contrainte à subir quelques difficultés car je me rends compte que parfois, le métier de journaliste est soumis à des inattendus et on doit faire avec. Tout ne va pas parfaitement et parfois les contraintes nous font découvrir autres choses.

 

Jeudi, le 27 janvier 2000

Ma journée s’est déroulée:
Nous sommes allés faire une dégustation à « Coocafé », le quartier général des coopératives de café puis on a traversé les montagnes jusqu’à la plage Jaco. C’était la première fois de ma vie que je voyais l’océan Pacifique. Puis nous sommes revenus et nous avons déposé l’équipe de tournage à l’aéroport.

Ce que j’ai aimé le plus aujourd’hui:
La plage c’était splendide ! Les vagues, le sel de mer dans la bouche, dans les cheveux, dans les yeux. Le soleil (je trouve ça un peu moins drôle maintenant, mon dos me fait masl) qui reflète sur l’océan infini.

Ce que j’ai aimé le moins aujourd’hui:
C’était triste, j’ai détesté devoir quitter l’équipe de tournage qui partait pour le Nicaragua, je m’y étais beaucoup attachée. Tout passe si vite. Revenir à l’hôtel sans l’équipe de tournage est déprimant.

Ce qui m’a marqué le plus:
À la plage, il y avait plus de touristes blancs que de ticos. Je ne comprends pas pourquoi c’est gens ne vont pas en Floride tant qu’à rester entre nord américains. Si je voyage, je veux être dépaysée, connaître de nouvelles cultures. Alors je ne comprends pas pourquoi les touristes restent entre eux.

Commentaires, réflexions:
Demain, on part. J’essaie de me concentrer sur le moment présent, mais je n’arrête pas de penser au départ. Je ne veux tellement pas partir, ici chaque jour est différent. Les gens sont chaleureux et heureux et c’est l’aventure. Chez moi, c’est le retour à la monotonie, au déjà-vu, à une société matérialiste et individualiste. Peut-être, suis-je en train de me laisser submerger par la tristesse que m’inspire le retour, mais déjà je pense à mon prochain départ…

 

Vendredi, le 28 janvier 2000

Ma journée s’est déroulée:
Après un douche froide (il n’y avait pas d’eau chaude) à 6h00 du matin, je suis allée dehors profiter une dernière fois du soleil, de la vue des montagnes. Puis, avec Julie et Fanny, j’ai pris une marche en attendant que le chauffeur arrive pour nous amener à l’aéroport. Ambiance triste, départ qui s’éternise (le décollage fut retardé), puis on décolle. Nous avons fait une escale en Colombie puis c’est l’arrivée à Montréal.

Ce que j’ai aimé le plus aujourd’hui:
Me réveiller au Costa Rica. Je respirais une dernière fois les effluves du pays et c’était splendide juste d’être là. Faire l’escale en Colombie c’était excitant aussi. Une petite consolation, quelques images d’un autre pays.

Ce que j’ai aimé le moins aujourd’hui:
Partir, évidemment ! C’était la déprime totale. Faire les adieux aux gens de l’hôtel et au chauffeur était dur aussi. À l’aéroport, tout le monde parlait anglais ou français, c’est désolant. Le Costa Rica me manquait déjà tellement même si je n’étais pas encore partie.

Ce qui m’a marqué le plus:
Je n’avais pas pris conscience que je m’étais tant attachée jusqu’au moment où je devais partir. J’aurais donné n’importe quoi pour rester. Fanny et moi, on s’inventait des scénarios dans lesquels nous étions obligées de rester au Costa Rica pour un bon bout, quel bonheur !

Commentaires, réflexions:
Une semaine, c’est trop peu. C’est super mais ça ne fait que mettre l’eau à la bouche, on a à peine le temps de s’imprégner de l’atmosphère du pays. En plus, tous ceux qui sont venus avec moi habitent un peu partout au Québec, je serai donc seule avec mes souvenirs.

 

En résumé…

Ma semaine a été:
Une expérience inoubliable sur tous les points ; une suite de découvertes et d’apprentissages, une complicité empreinte de fous rires avec Fanny et l’équipe, une expérience journalistique enrichissante.

Ce que je retiens de mon expérience journalistique:
J’ai pu constater que c’est un métier intense, stressant et instable qui est sujet à beaucoup de pressions. J’ai adoré, mais je me suis rendu compte que le fait de devoir se dépêcher m’irrite et peut-être, serais-je plus attirée par le documentaire que le reportage. De plus, être derrière la caméra me plairait beaucoup.

Les difficultés que j’ai rencontrées durant mon séjour:
J’aurais aimé pouvoir me promener seule dans la ville, mais ceci n’était pas possible puisque nous étions sous la responsabilité de Plan Nagua. Je comprends cependant que c’était le devoir de l’équipe de nous surveiller.

Mes commentaires en lien avec les objectifs que je m’étais fixé au départ:
J’ai atteint mes objectifs en général, mais surtout le plus important, je me suis changée moi-même. Apprendre autant, vivre ailleurs, ça me fait atteindre des niveaux de conscience très forts et c’est le meilleur moyen d’évoluer.

Mes commentaires en lien avec les craintes que j’avais au départ:
La crainte de ne pas être à la hauteur n’était pas fondée. On était très bien guidées et encadrées. Par contre, tout a passé trop vite.

Mes réflexions
La vie de groupe c’est « trippant », mais on doit apprendre à faire des compromis. J’ai adoré ce voyage. Je crois cependant que se serait une expérience totalement différente que de partir seule, un jour.


Retour