Haïti
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Journal de bord

Par Isabelle Lamontagne
Campbellton, Nouveau-Brunswick


Haïti

7 au 14 février 2000

Mes objectifs pendant le séjour:
Ce voyage est une opportunité sans pareil pour moi de découvrir un nouveau pays. J’ai la chance inouie de pouvoir rencontrer beaucoup de gens, alors pourquoi ne pas en profiter pour apprendre le créole, la culture et les besoins des gens d’Haïti.

Mes craintes:
Ma plus grosse crainte est la façon dont je vais réagir en voyant la pauvreté qui affecte ce pays. J’ai l’habitude de rester muette face à un gros choc. Mais je crois que ce journal va beaucoup m’aider à analyser la situation d’Haïti et à mieux comprendre ce qui m’entoure.

Comment je me sens maintenant:
1,2,3…c’est parti! L’adrénaline monte de plus en plus. J’ai hâte d’arriver à Port-au-Prince. Il ne me reste plus que quelques heures avant de mettre le pied sur le sol haïtien. Un sentiment d’aventure s’allume à nouveau en moi! Malgré toute cette joie enivrante, je préfère rester calme, ne pas me faire trop d’illusions et attendre de voir la vérité. C’est bien d’avoir de la documentation avec des tas d’informations. Mais c’est deux fois plus intéressant de découvrir par soi-même, en plein cœur de l’action, toute la splendeur d’un pays. Cela ne fait pas très longtemps que j’ai réalisé la tâche qui m’attends. Écrire ce journal n’est pas un fardeau et faire les reportages non plus. Par contre, le manque de confiance en mes compétences reste toujours un défi et une peur à surmonter. Comme le dit si bien le proverbe de Jacques Brel : «Ayez des rêves, à n’en plus finir et l’envie furieuse d’en réaliser quelques-uns». Voyager, découvrir et apprendre, c’est mon rêve. Alors fonce!

 

Lundi, le 7 février 2000

Ma journée s’est déroulée:
La journée s’est très bien déroulée. Je suis très surprise, car je ne croyais pas que j’allais m’adapter aussi facilement face au choc culturel. Malgré le milieu différent, je réussis tout de même à trouver des similitudes avec ma région.

Ce que j’ai aimé le plus aujourd’hui:
Le vent chaud du sud souffle sur mon visage, en plein milieu de l’hiver! 30°c, il faut dire que c’est beaucoup plus agréable que –30°c. C’était vraiment intéressant de voir le mode de vie des gens d’ici.

Ce que j’ai aimé le moins aujourd’hui:
Je n’ai pas vraiment aimé le voyage en avion, contrairement à mes habitudes. Il m’a paru long à n’en plus finir, interminable. J’avais tellement hâte d’arriver en Haïti. Les images qui se déroulaient devant nos yeux à notre arrivée étaient désolantes : les cours d’eau pollués, les gens pauvres et malades. Un silence éternel était présent dans la voiture.

Ce qui m’a marqué le plus:
J’ai réalisé comment c’est difficile de se sortir de la pauvreté. Les gens d’ici savent ce qu’ils veulent. Ils l’affichent sous forme d’art ou de graffitis. Et pourtant malgré toute l’aide extérieure qu’ils obtiennent, ils n’arrivent toujours pas à régler la majorité des problèmes. Pourquoi?

Commentaires, réflexions:
La mentalité des gens est très différente. On nous dit qu’il y a trois choses qu’il fallait apprendre en Haïti : la patience, la patience et encore la patience. Les gens vivent à un rythme très lent. L’impasse politique crée beaucoup d’agitation, surtout ces temps-ci. Le pays est présentement en période d’élections, mais les partis gouvernementaux ne réussissent pas à s’entendre. Leurs préoccupations semblent être le pouvoir et l’argent au lieu du bien-être des citoyens.

 

Mardi, le 8 février 2000

Ma journée s’est déroulée:
Très bien, c’était une journée beaucoup plus chargée qu’hier. Nous avons pris l’avion de Port-au-Prince à Cap-Haïtien. Le paysage était très impressionnant, malgré la courte durée du vol.

Ce que j’ai aimé le plus aujourd’hui:
Le voyage en avion m’a beaucoup plu. Le paysage est beau à en couper le souffle. On a aussi découvert notre port d’attache, Grison-Garde. C’est une petite communauté chaleureuse. Les enfants sont déjà à nos trousses.

Ce que j’ai aimé le moins aujourd’hui:
Ça me paraissait très bizarre de devoir ignorer les gens sous le seuil de la pauvreté qui nous demandaient de l’argent. On ne peut totalement les oublier, c’est une réalité à laquelle on doit faire face.

Ce qui m’a marqué le plus:
Une fois encore, j’ai réalisé que les gens sont conscients de leur situation. Lorsqu’on est allé voir des groupes de femmes (commerçantes, chefs de famille…), elles nous ont dit que la loterie est un très gros problème de société en Haïti.

Commentaires, réflexions:
La loterie est pour eux une chance de sortir de la pauvreté et d’avoir accès à un certain pouvoir. La deuxième « solution » est d’aller en République Dominicaine pour travailler dans des conditions de vie très difficiles où elles seront maltraitées. Les plats traditionnels sont vraiment bons, les gens ont vraiment une alimentation différente. Oubliez le McDo ou la pizza et faites place au riz et à la casarve!

 

Mercredi, le 9 février 2000

Ma journée s’est déroulée:
Les rencontres deviennent de plus en plus intéressantes. C’est vraiment super de pouvoir vivre cette expérience. Je sais que je le dis souvent mais c’est vrai!

Ce que j’ai aimé le plus aujourd’hui:
C’est de rencontrer les étudiant(e)s dans les écoles, de découvrir leur vision du monde de demain. On réalise que les gens ont des ambitions très différentes de celles des étudiant(e)s du Canada. Mais, il ne faut pas oublier qu’ils vivent dans un milieu très différent du nôtre.

Ce que j’ai aimé le moins aujourd’hui:
Les paroles qui me choquent le plus sont :« Give one dollar! » Je trouve cela tellement révoltant que les jeunes enfants sachent cette phrase comme si on leur avait apprise à l’école. Ce sont les seuls mots d’anglais qu’ils connaissent. Croyez-moi, j’ai essayé de faire la conversation.

Ce qui m’a marqué le plus:
Le gouvernement d’Haïti fonctionne dans son royaume : la politique. Mais il ignore totalement la société. Le rêve de tous les jeunes semble être d’avoir du travail et du pouvoir. Malgré le fait que l’école est obligatoire jusqu’à 16 ans, plusieurs enfants doivent se contenter de rester à la maison. Certains habitants n’ont aucun moyen d’acheter les uniformes ou le matériel scolaire nécessaire. Les uniformes sont un moyen d’avoir au moins un ensemble de vêtements propres. Les habitants y accordent une très grande importance et ils en sont très fiers. Après tout, a-t-on vraiment besoin d’uniforme pour apprendre?

Commentaires, réflexions:
Voici une citation de Jean Pricemars : « Les Haïtiens sont un peuple qui chante, danse, souffre et se résigne ». Par exemple, les Américains ont débarqué il y a quelques jours et ils ont pris le contrôle de Cap-Haïtien. Pourtant, le peuple n’a même pas riposté et le gens ne sont pas au courant de la situation. La plupart des nouvelles s’apprennent de bouche à oreille.

 

Jeudi, le 10 février 2000

Ma journée s’est déroulée:
La journée d’aujourd’hui était vraiment géniale! Demain, c’est déjà vendredi, la semaine passe trop vite. J’aimerais tant tout voir, tout connaître, pouvoir comprendre…les langues, les gens, enfin tout.

Ce que j’ai aimé le plus aujourd’hui:
J’ai beaucoup aimé essayer de faire le travail quotidien des gens. Un proverbe dit que « nous admirons toujours plus une autre personne après avoir essayer de faire son travail ». Et c’est vrai! Maintenant, lorsque je vois des femmes et des enfants transporter d’énormes chaudières d’eau sur leur tête, j’ai une admiration sans pareille pour eux.

Ce que j’ai aimé le moins aujourd’hui:
Les gens agissent avec des mouvements très brusques et ils parlent parfois avec un ton très rude. Les enfants ont comme exemple des films de guerre. Il trouvent ça très drôle d’avoir une arme à feu. À vrai dire, on retrouve aussi ce genre de comportement désolant au Canada.

Ce qui m’a marqué le plus:
Les enfants nous suivent vraiment partout où nous allons. On ne passe jamais inaperçus. Ils nous dévorent du regard et ils se posent mille et une questions. La population d’Haïti n’est pas réellement consciente des pouvoirs qu’elle a sur son sort. Elle doit apprendre à devenir indépendante, mais pour y parvenir, il faut d’abord qu’elle adopte une nouvelle perception des choses.

Commentaires, réflexions:
C’est lorsque tu te retrouves loin de la maison que tu découvres tes vraies racines. Je me surprends à raconter ma vie à des étrangers, comme s’ils étaient mes meilleurs amis. J’ai tout récemment découvert que l’eau avec laquelle on prend notre douche est celle de la rivière. Eh oui! L’eau de la rivière sert également à irriguer les champs, faire la lessive et préparer la nourriture. Bof! J’apprécie tout de même cette douche d’eau froide le soir.

 

Vendredi, le 11 février 2000

Ma journée s’est déroulée:
Vraiment bien, même si j’ai presque oublié d’écrire dans mon journal de bord. Je suis vraiment chanceuse de ne pas avoir le mal des transports. Surtout avec les conditions des routes. Aujourd’hui, un groupe de Québécois est venu à Grison-Garde, il y avait beaucoup de blancs dans le village!

Ce que j’ai aimé le plus aujourd’hui:
J’ai beaucoup aimé danser sous la pluie, les danses d’ici sont très différentes. Que ce soit des danses traditionnelles ou l’esprit vaudou, elles sont très rythmées et vivantes. C’est vraiment impressionnant de voir tout le monde danser avec tellement d’entrain.

Ce que j’ai aimé le moins aujourd’hui:
Le voisin a mis fin aux jours de son dévoué petit cochon et il nous a gardé éveiller toute la nuit. Les grognements de douleur ont brisé le calme de la nuit pendant au moins 30 minutes. Le pauvre petit, nous l’avons revu sur les étalages du marché, le lendemain matin.

Ce qui m’a marqué le plus:
C’est de voir tous ces gens au marché qui essayaient de vendre leurs produits afin de vivre. On voyait toutes sortes de choses! Il y avait même un «park-ânes» (stationnement pour les ânes qui transportaient les marchandises).

Commentaires, réflexions:
Je crois que certains organismes de coopération internationale devraient changer leur approche devant les pays en voie de développement. Au lieu de tout donner sans rien demander à la population, il faudrait plutôt évaluer leurs besoins afin qu’ils ne deviennent pas dépendant de ces organismes.

 

Samedi, le 12 février 2000

Ma journée s’est déroulée:
Aujourd’hui, on a terminé les dernières retouches. Imaginez-vous donc qu’on a environ six heures de cassettes d’enregistrement pour seulement dixminutes de diffusion. Ça c’est du compact!

Ce que j’ai aimé le plus aujourd’hui:
La brise de vent frais qui soufflait sur mon visage en arrivant en bordure de l’océan. Enfin de l’eau un peu salée peut-être, mais ce sentiment de liberté prenait le dessus.

Ce que j’ai aimé le moins aujourd’hui:
Interviewer l’infirmière semblait intéressant au départ, mais le résultat s’est avéré décevant. Les réponses à nos questions étaient vagues. Il faut d’abord développer l’art d’interviewer les gens qui ont culture différente.

 

Ce qui m’a marqué le plus:
C’est de voir les plages paradisiaques à seulement quelques kilomètres des bidonvilles. C‘était vraiment impressionnant. Il y a tellement de beaux paysages dans certaines régions de ce pays. C’est surprenant que les gens ne tentent pas de considérer le tourisme comme une activité économique

Commentaires, réflexions:
La mentalité de la population est très différente de chez-nous. Les habitants d’Haïti ont tellement foi en Dieu, au gouvernement ainsi qu’à l’aide internationale. Ils ne se prennent pas en main et ne semblent pas avoir l’intention de la faire (majorité de la population). Tout le monde rêve d’avoir un métier que ce soit médecin, couturière ou ébéniste et ils travaillent fort pour y arriver.

 

Dimanche, le 13 février 2000

Ma journée s’est déroulée:
Ça y est! C’est presque terminé! La chimie du groupe est si bonne. Il y a une sorte de complicité extraordinaire. Je ne veux pas trop m’attarder aux adieux car c’est triste d’avoir à quitter des amis.

Ce que j’ai aimé le plus aujourd’hui:
Ce sont les derniers moments avec toute l’équipe, le dîner et la discussion. Ce voyage est formidable et cette expérience sera longtemps gravée dans ma mémoire.

Ce que j’ai aimé le moins aujourd’hui:
C’est de dire adieu à mes amis Québécois. On dirait que j’ai connu ces gens toute ma vie. Et voilà qu’il faut les quitter! C’est triste de penser qu’on ne se reverra probablement plus jamais. Mais, il ne faut jamais dire jamais. J’ai espoir qu’un jour je réussirai à faire ma place dans le milieu des communications et que j’aurai à nouveau la chance inouïe de travailler avec cette équipe fantastique.

Ce qui m’a marqué le plus:
Il y a vraiment un contraste énorme entre les classes sociales. Aujourd’hui, nous sommes allés visiter Pétion-Ville et Boutiller, deux coins riches d’Haïti, c’était impressionnant et désolant à la fois, de voir d’un côté toute cette misère et de l’autre toutes ces richesses.

Commentaires, réflexions:
Je suis à présent exténuée, j’ai peur de ne pas avoir été à la hauteur. Mais j’ai fait de mon mieux et c’est ça qui compte. Je suis venue et j’ai appris. Apprendre est un bien petit mot. J’ai découvert, analysé et constaté. Maintenant je comprends mieux ce que j’ai appris.

 

Lundi, le 14 février 2000

Ma journée s’est déroulée:
Ce matin, nous avons profité de notre temps libre pour écrire ensemble un article sur nos impressions. Ensuite, nous sommes partis vers l’aéroport très tôt parce qu’il y avait un feu non loin de là.

Ce que j’ai aimé le plus aujourd’hui:
J’ai beaucoup aimé jouer aux cartes avec Karine. Ça peut vous sembler très banal mais c’est probablement la dernière occasion de gagner une partie avec une experte.

Ce que j’ai aimé le moins aujourd’hui:
Aujourd’hui, Victor notre interprète, nous a reconduit à l’aéroport pour s’assurer que tout était en ordre. Ensuite, il est reparti à l’Île de la Tortue. Encore un au revoir.

Ce qui m’a marqué le plus:
En quittant Port-au-Prince, j’ai réalisé que c’était peut-être la dernière fois que je voyais les images qui se défilaient devant mes yeux. Le peuple haïtien est très attachant, je vais sûrement m’ennuyer de tous les ti-mounes que j’ai rencontrés.

Commentaires, réflexions:
Mission accomplie! J’ai adoré mon expérience, c’est incroyable d’apprendre tant de choses en si peu de temps. J’espère qu’un jour, j’aurai la chance de revenir en Haïti. Je retourne à la maison, la mémoire et la tête remplies de souvenirs à raconter.

 

En résumé…

Cette expérience inoubliable m’a été très bénéfique. Je crois que j’ai appris plus que je n’aurais osé le croire. Je pourrais écrire ou «placoter» pendant des heures durant et je ne réussirais à raconter tout ce que j’ai vu ici. C’est magique de découvrir des cultures, des langues et des gens différents qui sont tous uniques en leur genre.

Ma semaine a été:
Je n’aurais pu demander mieux! Tout s’est bien déroulé. L’équipe était dynamique et très sympathique, on s’est bien amusés. Le bagage de connaissances que je rapporte à la maison est énorme.

Ce que je retiens de mon expérience journalistique:
J’adore cette vie d’aventure! Interviewer les gens, analyser la situation, visiter de nouveaux endroits. Ce métier est passionnant.

Les difficultés que j’ai rencontrées durant mon séjour:
C’est certain que la barrière linguistique est un obstacle à surmonter. La mentalité des gens n’est pas la même que la nôtre. Il faut s’adapter à un mode de vie différent. Vive la différence.

Mes commentaires en lien avec les objectifs que je m’étais fixé au départ:
Les besoins des Haïtiens sont très différents des nôtres. Ils doivent améliorer leurs structures gouvernementales et économiques. Nous pouvons leur venir en aide en leur donnant des moyens de développer les outils nécessaires afin qu’elles deviennent autonomes. Pour le créole, il me faudra y retourner.

Mes commentaires en lien avec les craintes que j’avais au départ:
Ma réaction face à un tel choc culturel s’est avérée moins pénible que je ne l’avais anticipé. La pauvreté n’est pas facile à accepter mais c’est une réalité.

Mes réflexions
C’est vraiment incroyable! On dirait que j’ai appris plus de choses en une semaine que dans une année complète à l’école. Ce voyage a été formidable rempli de découvertes et de rencontres inoubliables.


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