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« J'ai envie de parler de Ljuba »

Par Violaine -Reversat
Lycée Robespierre d'Arras
Pas-de-Calais en France


Le samedi 23 octobre 1999 au lycée Robespierre à Arras, dans le Pas-de-Calais en France, s'est tenue une conférence, premier élément d'un cycle se déroulant sur l'année. Cette manifestation culturelle, placée sous le signe de l'art contemporain, a permis aux lycéens de découvrir le peintre surréaliste Ljuba, à travers l'intervention de M. Alain Vuillot, professeur de philosophie à Saint Pol, sur quelques-uns unes de ses œuvres.

 

Cette séance fut introduite par le proviseur de l'établissement, M. Rosiaux, qui dressa un bref aperçu du cycle à venir. M. Boisnard, professeur de philosophie au lycée Robespierre, a ensuite analysé le rapport entre art et histoire, aboutissant aux thèmes de la sexualité et de la mort, étroitement liés dans l'œuvre de Ljuba, ainsi que le désir de l'artiste d'exprimer la violence des pulsions internes, libidinales de l'inconscient au moyen de sa peinture.

L'intervention de M. Vuillot, ami et biographe de Ljuba, fut structurée en trois parties, respectivement concernant la vie de l'artiste, sa peinture par le biais d'une sélection d'œuvres, et enfin l'extrait d'une interview de Ljuba nous faisant part de sa perception de ce qu'il peint, ses propos ayant étés recueillis par le conférencier.

En premier lieu, M. Vuillot a présenté à l'audience la biographie du peintre. Popovic Alekse Ljubomir, dit Ljuba, est né le 14 octobre 1934 en Bosnie. De condition modeste, son enfance fut marquée par un rapport privilégié à la nature. Puis ce fut la violence de la seconde guerre mondiale qui l'influença profondément. De 1953 à 1957, Ljuba étudia aux beaux-arts de Belgrade, et c'est en 1960 qu'il créa avec des amis peintres un groupe d'avant-garde nommé Médiala. Il s'installa à Paris en 1963 comme peintre en bâtiment. Sa carrière débuta après la rencontre de l'artiste avec Ginette Signac, fille du célèbre Paul. Peintre solitaire, les influences surréalistes de Ljuba se développèrent dès 1968, et de 1970 à 1990 le rythme de ses expositions ainsi que sa renommée s'intensifièrent. Ljuba compte ainsi parmi ses amis les artistes plastiques de Matta, Ernst, ou encore Jouffroy. Il est influencé par Dali, Nietzsche, Maupassant…Ainsi Ljuba définit-il lui-même sa vie : « cela fait longtemps que les tableaux ont dépassé mon existence ». C'est ce formidable élan de vie par la peinture qu'Alain Vuillot présente en seconde partie.

 
"Ce qu'en dit la bouche d'ombre"
Effectivement, le profil de l'œuvre de l'artiste a pu être appréhendé à travers la projection de treize diapositives représentant certains de ses tableaux ainsi que des prises de vue de son atelier. Entres autres, les élèves ont pu contempler des œuvres intitulées Salomé, Le Trou d'espoir, La Porte du temple, L'Esprit de forêt... Mêlant comme deux thèmes récurrents corps féminins et architecture, Ljuba met à jour l'érotisme inconscient, les forces cosmiques inhérentes à chaque homme. De nombreux paradoxes sont ainsi mis en évidence par le biais de la touche agressive de l'artiste, du contraste entre une technique quasi pointilliste et de grands aplats rectilignes.

Apparaît dès lors une mise en relation du désir et de la mort, de la pureté et du chaos, du microcosme et du macrocosme, et ceci dans l'expression des pulsions énergétiques relatives au cosmos du corps érotique. Les forces sous-jacentes et imminentes sont prêtes à surgir pour donner à l'entrelacs de motifs architecturaux un caractère subversif : l'ordre du monde n'est qu'apparent pour Ljuba, il ne demande qu'à être bouleversé par la dimension tragique de l'homme.

Le propre point de vue de l'artiste sur son travail fut ensuite exposé au cours de la présentation de M. Vuillot de son livre renfermant une interview du peintre. Le rapport au corps et à l'univers apparaît évidemment comme prépondérant, et ces forces, cette énergie brute de la matière se ressent dans la manière même de peindre de Ljuba. Il affirme en effet qu'une grande partie de son œuvre se réalise presque à son insu, comme il le dit : selon « un processus largement ignoré de moi-même ». Il n'y a pas de contrôle de cet « infini intime », il s'imprime sur la toile à travers le geste de Ljuba, qui se met entièrement à l'écoute de ses vibrations intérieures. Et une unité apparaît, à un moment le tableau s'ouvre. Toutefois la symbolique et l'esthétique ne sont pas tout, la technique est d'importance : « la peinture n'est pas une représentation, c'est une représentation symphonique d'une modulation visuelle », « le vrai sujet de ma peinture, c'est la peinture elle-même ». Il s'agit là d'une œuvre intégrale. Ljuba révèle ce qui se cache en dessous des apparences, sa peinture possède un pouvoir révélateur, elle est métaphysique. Nous replongeons dans nos désirs les plus animaux à la recherche d'une connaissance du réel, de notre univers. Nous visualisons notre condition humaine dans son rapport au cosmos. La finalité de la peinture de Ljuba semble se trouver dans la sérénité qui survient après la lutte, ce combat contre son propre chaos en vue de l'harmonisation des contraires. En ceci cet artiste réalise une peinture oxymorique.

Ainsi cette première conférence a-t-elle permis aux lycéens de découvrir un artiste surréaliste inspiré en le personnage de Ljuba. Cette manifestation a été suivie, toujours dans le domaine artistique, de l'inauguration de l'espace EROA (Espace Rencontre de l'Oeuvre d'Art) dans l'enceinte du lycée Robespierre. Deux artistes contemporains y ont exposé du 17 au 27 novembre 1999 : Georges Rousse avec Arles et Chance Meeting de Duane Michaels. Le cycle de conférences a également été poursuivi par une seconde manifestation dont le sujet était le droit, le troisième élément de cette série se tenant le 18 décembre prochain et concernant l'architecture.


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