J'étais, bien sûr, de ceux et celles qui avaient
participé au concours Jeunes
reporters sans frontières sans se faire trop d'illusions.
Pourtant, le soir où les noms devaient être dévoilés,
je ne pouvais pas m'empêcher de sursauter et de laisser
battre mon coeur à des vitesses folles chaque fois que
le téléphone sonnait. Enfin, la nouvelle m'est
tombée dessus comme une surprise incroyable; j'avais été
sélectionnée dans les 30 finalistes du concours!
Quelle joie extrême! Je sautais partout, je criais, je
pleurais! |
Photo des huit gagnants du concours
Suis-je parmi eux? Lisez plus loin. |
J'ai passé les deux semaines en l'attente cruelle du
camp de sélection. Je passais de l'euphorie à l'angoisse
et vice-versa à longueur de journée. Une minute
je pensais que ce serait génial de vivre cette chance
et de rencontrer des tas de jeunes ayant les mêmes intérêts
que moi et celle d'après je songeais au stress de passer
un week-end de compétition... En fait, je n'avais aucune
idée de ce à quoi je devais m'attendre et l'inconnu
suscite toujours en moi une attraction vertigineuse et une excitation
palpable. J'ai cependant tenté de me convaincre de ne
pas me faire d'attentes et de me contenter d'apprécier
le bonheur de m'être rendue jusque là.
Le grand moment s'est enfin pointé et je suis arrivée
à la station d'autobus de Plan
Nagua, organisme de coopération internationale responsable
du concours, où une animatrice fort sympathique m'a accueillie.
Puis j'ai fait connaissance avec la seule autre finaliste qui
était arrivée. Dès que j'ai vu son expression
de visage, tout mon stress est tombé. J'y ai vu le même
bonheur éclatant et le même doute un peu apeurant
qui m'habitaient depuis des jours. J'ai compris que nous étions
tous dans le même bateau et nous sommes aussitôt
devenues complices; c'était comme si on s'était
toujours connues.
Peu à peu, les autres ont commencé à
arriver de partout; Colombie-Britannique, Alberta, Longueuil,
Baie-Comeau... Nous avons formé un rond naturellement
et nous sommes présentés tour à tour des
dizaines de fois (30 noms en une soirée; pas évident!).
Je me sentais tellement à l'aise, tellement émerveillée,
tellement moi-même... Tout le monde avait l'impression
de s'être déjà vu quelque part. Une grande
solidarité, un esprit d'équipe s'est vite installé
dans tout le groupe; c'était splendide. Il y avait des
jeunes de tous âges, de 12 comme de 17, et une grande variété
d'accents. Certains avaient déjà voyagé,
d'autres parlaient plusieurs langues; tout le monde était
différent mais nous avions tous ce point en commun; nous
étions intéressés par la coopération
internationale, et c'est d'ailleurs ce qui nous réunissait
tous à cet endroit ce soir-là.
On nous a présenté les reportages qui avaient
été fait l'année passée, puis les
animateurs se sont présentés. On nous a avertis
que tout au long de la fin de semaine, il y aurait des évaluateurs
qui seraient autour de nous pour nous observer avec leurs bloc-notes;
bref, rien pour nous rassurer!
Heureusement, ils ont su se faire bien discrets. Par respect
pour nos nerfs, je suppose.
Après avoir longtemps parlé nous nous sommes
couchés. J'étais plus enthousiaste que jamais et
j'avais peine à dormir. Toutes mes craintes s'étaient
évanouies et j'avais déjà hâte au
lendemain. Je me sentais tellement privilégiée.
Nous dormions tous ensemble dans la même salle sur des
tapis à même le sol; c'était très
communautaire comme ambiance et j'adorais ça. Tout était
fait dans le but de nous faire oublier le cadre de sélection.
Heureusement, car j'ai toujours détesté faire de
la compétition.
Le lendemain, nous devions être prêts pour 9 h
afin de commencer les activités. On nous avait préparé
toutes sortes de jeux qui mettaient à l'épreuve
notre débrouillardise, notre esprit d'équipe et
de coopération, notre capacité de nous exprimer
et de faire valoir notre point de vue, etc. Certains jeux nous
mettaient en scène le choc culturel à l'étranger,
d'autres mettaient l'emphase sur l'importance de la communication,
on devait jouer aux cartes sans parler, dessiner à deux
un yourte (je ne sais toujours pas ce que c'est), se présenter
à travers un objet, manger les mains attachées
aux uns et aux autres, construire en équipe un panier
en Lego, créer un bonhomme de 30 cm, juger de la mort
ou du sauvetage de survivants à une bombe nucléaire
ou encore mimer une expression, etc. J'ai eu énormément
de plaisir; j'avais l'impression de retourner en enfance. À
travers toutes ces activités, j'apprenais sur moi-même,
ma façon d'interagir en groupe, mes valeurs, ainsi que
sur les enjeux de la coopération internationale. Les liens
entre les membres du groupe se sont resserrés et l'amitié
faisait vite son nid à force de plaisirs communs. Après
chaque activité il y avait des « retours »
où nous faisions part tour à tour de nos impressions
et cela nous permettait d'entendre le point de vue des autres
et de réaliser ce que nous apportait chacun des jeux.
L'équipe de TQS
(Télévision Quatre Saison) qui, avec RDI
et RDR diffusera les reportages journalistiques effectués
dans les quatre pays en voie de développement, était
aussi présente durant presque toute la journée.
Au cours de l'après-midi nous étions convoqués,
un par un dans une petite pièce mystérieuse où
nous ignorions totalement ce à quoi nous serions exposés.
Le total suspense, quoi! J'avais le sentiment que tout le potentiel
de ma candidature reposait sur cela. Quand est arrivé
mon tour, j'étais certaine que toutes les paires d'yeux
qui étaient tournées vers moi ne voyaient que mon
coeur qui allait bientôt exploser dans ma poitrine. C'était
assez intimidant mais malgré tout je trippais à
fond. Ils m'ont braqué la caméra dessus et j'ai
eu droit à un interview assez spontané merci! Tant
mieux, j'adore le spontané. « Qu'est-ce que la pauvreté?
Qu'est-ce qui ferait de toi une bonne reporter? » Tout
ça s'est passé tellement vite que je me souviens
à peine de ce que j'ai répondu. Je dois avouer
que le reste de la journée je me suis sans cesse remise
en question sur tout ce que j'avais pu dire à ce moment
là. La tension était dure à supporter, mais
j'adore les défis et ça c'était intense.
C'était un peu l'aventure. L'inconnu m'attire comme un
aimant.
Le soir nous sommes allés faire un tour dans le Vieux-Québec.
Il commençait à être temps que nous sortions
de ce sous-sol afin de nous aérer l'esprit un petit peu.
J'avais bien sûr constamment derrière la tête
le rêve du voyage; partir, sensibiliser le monde aux réalités
d'ailleurs, découvrir et me changer moi-même, surtout
que durant le camp, nous en parlions tellement, l'espoir gonflait
en moi comme un ballon. Je ne sentais pourtant aucune ambiance
de compétition et j'arrivais presque à oublier
que c'était un concours. Je me sentais comme dans un camp
de vacances. Bref, nous nous sommes promenés, nous avons
jasé, relaxé dans les rues du Vieux. Au retour,
dodo. Évidemment, il a fallu quelques avertissements avant
que le silence du sommeil nous
gagne.
Le dernier jour était le jour de vérité
et le suspense était à son comble! Nous avons fait
toutes sortes d'activités jusqu'à midi où
les animateurs, les observateurs et l'équipe de TQS se
sont retirés pour débattre sur l'identité
des futurs jeunes reporters. Nous avons fait un dernier retour
où tout le monde était unanime sur le fait que
cette fin de semaine avait été constructive et
nous avons échangé nos adresses. Nous avons dansé
le meringue et fait des jeux de mains en attendant le verdict.
J'essayais de ne pas trop y penser mais chaque fois qu'un responsable
entrait dans la pièce je croyais faire une crise cardiaque.
Ils étaient en retard; on sentait bien que le choix était
difficile.
Enfin ils sont arrivés. Mon coeur, mon ventre, ma tête
me faisaient mal. Ils nommaient les pays et ensuite les reporters.
Un instant j'ai entendu « Costa Rica; Marie-Andrée
Fortier ». J'ai vu la caméra qui cherchait quelqu'un
dans le groupe et je me suis posée la question une seconde
si c'était vraiment moi. Puis elle s'est arrêtée
sur mon visage. J'ai alors compris. C'était vrai. C'était
moi. Je partais pour le Costa
Rica! |
|
À partir de ce moment j'étais sur un nuage.
J'ai crié, j'ai rit, j'ai serré plein de gens dans
mes bras en vitesse car après quelques photos les gagnants
nous partions à la Place d'Youville pour faire quelques
prises de vues. Je n'arrivais pas à y croire. C'était
comme un rêve et on aurait dit que tout ça se passait
en une fraction de seconde depuis l'annonce des gagnants jusqu'au
retour à Plan Nagua. L'ambiance y était évidemment
disons moins à la fête et à la fois j'étais
désolée pour les autres et à la fois j'avais
du mal à contenir ma joie. Je tenais vraiment à
dire au revoir aux autres à qui je m'étais tellement
attachée en si peu de temps mais la grande majorité
étaient déjà repartis prendre un avion,
un train, un bus...
Ce qui est incroyable c'est qu'en une fin de semaine je n'étais
déjà plus la même. Heureusement je ne perds
pas contact avec toutes ces personnes extraordinaires et souvent
je pense à eux et vraiment ils me donnent de l'espoir
pour l'avenir. En attendant je pratique mon espagnol et je rêve
au Costa Rica! |