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Fin de semaine de suspense au Camp de sélection du
concours Jeunes reporters sans frontières

Marie-Andrée Fortier
Sherbrooke (Québec)


J'étais, bien sûr, de ceux et celles qui avaient participé au concours Jeunes reporters sans frontières sans se faire trop d'illusions. Pourtant, le soir où les noms devaient être dévoilés, je ne pouvais pas m'empêcher de sursauter et de laisser battre mon coeur à des vitesses folles chaque fois que le téléphone sonnait. Enfin, la nouvelle m'est tombée dessus comme une surprise incroyable; j'avais été sélectionnée dans les 30 finalistes du concours! Quelle joie extrême! Je sautais partout, je criais, je pleurais!

 
Photo des huit gagnants du concours
Suis-je parmi eux? Lisez plus loin.

J'ai passé les deux semaines en l'attente cruelle du camp de sélection. Je passais de l'euphorie à l'angoisse et vice-versa à longueur de journée. Une minute je pensais que ce serait génial de vivre cette chance et de rencontrer des tas de jeunes ayant les mêmes intérêts que moi et celle d'après je songeais au stress de passer un week-end de compétition... En fait, je n'avais aucune idée de ce à quoi je devais m'attendre et l'inconnu suscite toujours en moi une attraction vertigineuse et une excitation palpable. J'ai cependant tenté de me convaincre de ne pas me faire d'attentes et de me contenter d'apprécier le bonheur de m'être rendue jusque là.

Le grand moment s'est enfin pointé et je suis arrivée à la station d'autobus de Plan Nagua, organisme de coopération internationale responsable du concours, où une animatrice fort sympathique m'a accueillie. Puis j'ai fait connaissance avec la seule autre finaliste qui était arrivée. Dès que j'ai vu son expression de visage, tout mon stress est tombé. J'y ai vu le même bonheur éclatant et le même doute un peu apeurant qui m'habitaient depuis des jours. J'ai compris que nous étions tous dans le même bateau et nous sommes aussitôt devenues complices; c'était comme si on s'était toujours connues.

Peu à peu, les autres ont commencé à arriver de partout; Colombie-Britannique, Alberta, Longueuil, Baie-Comeau... Nous avons formé un rond naturellement et nous sommes présentés tour à tour des dizaines de fois (30 noms en une soirée; pas évident!). Je me sentais tellement à l'aise, tellement émerveillée, tellement moi-même... Tout le monde avait l'impression de s'être déjà vu quelque part. Une grande solidarité, un esprit d'équipe s'est vite installé dans tout le groupe; c'était splendide. Il y avait des jeunes de tous âges, de 12 comme de 17, et une grande variété d'accents. Certains avaient déjà voyagé, d'autres parlaient plusieurs langues; tout le monde était différent mais nous avions tous ce point en commun; nous étions intéressés par la coopération internationale, et c'est d'ailleurs ce qui nous réunissait tous à cet endroit ce soir-là.

On nous a présenté les reportages qui avaient été fait l'année passée, puis les animateurs se sont présentés. On nous a avertis que tout au long de la fin de semaine, il y aurait des évaluateurs qui seraient autour de nous pour nous observer avec leurs bloc-notes; bref, rien pour nous rassurer!
Heureusement, ils ont su se faire bien discrets. Par respect pour nos nerfs, je suppose.

Après avoir longtemps parlé nous nous sommes couchés. J'étais plus enthousiaste que jamais et j'avais peine à dormir. Toutes mes craintes s'étaient évanouies et j'avais déjà hâte au lendemain. Je me sentais tellement privilégiée. Nous dormions tous ensemble dans la même salle sur des tapis à même le sol; c'était très communautaire comme ambiance et j'adorais ça. Tout était fait dans le but de nous faire oublier le cadre de sélection. Heureusement, car j'ai toujours détesté faire de la compétition.

Le lendemain, nous devions être prêts pour 9 h afin de commencer les activités. On nous avait préparé toutes sortes de jeux qui mettaient à l'épreuve notre débrouillardise, notre esprit d'équipe et de coopération, notre capacité de nous exprimer et de faire valoir notre point de vue, etc. Certains jeux nous mettaient en scène le choc culturel à l'étranger, d'autres mettaient l'emphase sur l'importance de la communication, on devait jouer aux cartes sans parler, dessiner à deux un yourte (je ne sais toujours pas ce que c'est), se présenter à travers un objet, manger les mains attachées aux uns et aux autres, construire en équipe un panier en Lego, créer un bonhomme de 30 cm, juger de la mort ou du sauvetage de survivants à une bombe nucléaire ou encore mimer une expression, etc. J'ai eu énormément de plaisir; j'avais l'impression de retourner en enfance. À travers toutes ces activités, j'apprenais sur moi-même, ma façon d'interagir en groupe, mes valeurs, ainsi que sur les enjeux de la coopération internationale. Les liens entre les membres du groupe se sont resserrés et l'amitié faisait vite son nid à force de plaisirs communs. Après chaque activité il y avait des « retours » où nous faisions part tour à tour de nos impressions et cela nous permettait d'entendre le point de vue des autres et de réaliser ce que nous apportait chacun des jeux.

L'équipe de TQS (Télévision Quatre Saison) qui, avec RDI et RDR diffusera les reportages journalistiques effectués dans les quatre pays en voie de développement, était aussi présente durant presque toute la journée. Au cours de l'après-midi nous étions convoqués, un par un dans une petite pièce mystérieuse où nous ignorions totalement ce à quoi nous serions exposés. Le total suspense, quoi! J'avais le sentiment que tout le potentiel de ma candidature reposait sur cela. Quand est arrivé mon tour, j'étais certaine que toutes les paires d'yeux qui étaient tournées vers moi ne voyaient que mon coeur qui allait bientôt exploser dans ma poitrine. C'était assez intimidant mais malgré tout je trippais à fond. Ils m'ont braqué la caméra dessus et j'ai eu droit à un interview assez spontané merci! Tant mieux, j'adore le spontané. « Qu'est-ce que la pauvreté? Qu'est-ce qui ferait de toi une bonne reporter? » Tout ça s'est passé tellement vite que je me souviens à peine de ce que j'ai répondu. Je dois avouer que le reste de la journée je me suis sans cesse remise en question sur tout ce que j'avais pu dire à ce moment là. La tension était dure à supporter, mais j'adore les défis et ça c'était intense. C'était un peu l'aventure. L'inconnu m'attire comme un aimant.

Le soir nous sommes allés faire un tour dans le Vieux-Québec. Il commençait à être temps que nous sortions de ce sous-sol afin de nous aérer l'esprit un petit peu. J'avais bien sûr constamment derrière la tête le rêve du voyage; partir, sensibiliser le monde aux réalités d'ailleurs, découvrir et me changer moi-même, surtout que durant le camp, nous en parlions tellement, l'espoir gonflait en moi comme un ballon. Je ne sentais pourtant aucune ambiance de compétition et j'arrivais presque à oublier que c'était un concours. Je me sentais comme dans un camp de vacances. Bref, nous nous sommes promenés, nous avons jasé, relaxé dans les rues du Vieux. Au retour, dodo. Évidemment, il a fallu quelques avertissements avant que le silence du sommeil nous
gagne.

Le dernier jour était le jour de vérité et le suspense était à son comble! Nous avons fait toutes sortes d'activités jusqu'à midi où les animateurs, les observateurs et l'équipe de TQS se sont retirés pour débattre sur l'identité des futurs jeunes reporters. Nous avons fait un dernier retour où tout le monde était unanime sur le fait que cette fin de semaine avait été constructive et nous avons échangé nos adresses. Nous avons dansé le meringue et fait des jeux de mains en attendant le verdict. J'essayais de ne pas trop y penser mais chaque fois qu'un responsable entrait dans la pièce je croyais faire une crise cardiaque. Ils étaient en retard; on sentait bien que le choix était difficile.

Enfin ils sont arrivés. Mon coeur, mon ventre, ma tête me faisaient mal. Ils nommaient les pays et ensuite les reporters. Un instant j'ai entendu « Costa Rica; Marie-Andrée Fortier ». J'ai vu la caméra qui cherchait quelqu'un dans le groupe et je me suis posée la question une seconde si c'était vraiment moi. Puis elle s'est arrêtée sur mon visage. J'ai alors compris. C'était vrai. C'était moi. Je partais pour le Costa Rica!

 

À partir de ce moment j'étais sur un nuage. J'ai crié, j'ai rit, j'ai serré plein de gens dans mes bras en vitesse car après quelques photos les gagnants nous partions à la Place d'Youville pour faire quelques prises de vues. Je n'arrivais pas à y croire. C'était comme un rêve et on aurait dit que tout ça se passait en une fraction de seconde depuis l'annonce des gagnants jusqu'au retour à Plan Nagua. L'ambiance y était évidemment disons moins à la fête et à la fois j'étais désolée pour les autres et à la fois j'avais du mal à contenir ma joie. Je tenais vraiment à dire au revoir aux autres à qui je m'étais tellement attachée en si peu de temps mais la grande majorité étaient déjà repartis prendre un avion, un train, un bus...

Ce qui est incroyable c'est qu'en une fin de semaine je n'étais déjà plus la même. Heureusement je ne perds pas contact avec toutes ces personnes extraordinaires et souvent je pense à eux et vraiment ils me donnent de l'espoir pour l'avenir. En attendant je pratique mon espagnol et je rêve au Costa Rica!


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