Larrivée
du Viagra doit-elle être considérée comme
providentielle pour lharmonie au sein de certains couples?
On oublie trop
souvent que lamour se fait à deux. Or, les causes
des pannes sexuelles masculines peuvent être de lordre
psychologique et relationnel. La façon de réagir
doit donc se trouver à deux. Et cela implique de la communication
et de la complicité au sein du couple. Le Viagra peut
être prescrit comme « starter », joint à
une redynamisation du dialogue entre les partenaires. Ce serait
notamment le cas pour des couples qui oublient trop souvent de
réalimenter le côté érotique de leurs
relations et qui tombent dès lors dans la monotonie.
Lhomme victime de pannes dues à son anxiété
de la performance va-t-il aussi se retrouver dynamisé?
Tout à
fait. Nombreux sont les hommes qui, pour une raison ponctuelle,
ont un jour une panne. Anxieux, voire fustrés, ils anticipent
négativement létape suivante. Le phénomène
devient alors récurrent. Ils risquent, grâce au
Viagra, de retrouver la confiance. Ce bénéfice
secondaire ne nécessitera pas une prise du médicament
par la suite.
La compagne ne risque-t-elle pas de considérer la prise
de cette substance comme une trahison?
Cest lune
des raisons pour laquelle la communication doit accompagner la
prise de Viagra. Certaines femmes vont effectivement se dire
: « Il prend un médicament donc il ne maime
plus, » ou alors: « Sil a besoin de cela, cest
quil a une maîtresse! » Par contre, dautres
vont se dire quil est très positif que leur mari
soit soucieux de lharmonie conjugale et ose dès
lors prendre un médicament.
Toutes ces
subtilités sont lapanage des sexologues et psychologues.
Or, les généralistes peuvent prescrire le Viagra...
Je considère
cela comme positif. Depuis trop longtemps, la sexualité
a été perçue négativement, notamment
depuis larrivée du Sida. Les généralistes
étaient peut-être trop tenus à lécart
de lintimité du couple. Grâce au Viagra, ils
vont pouvoir se perfectionner en sexologie, en urologie et en
psychologie. Ils vont revenir au contexte affectif et relationnel
du patient, et donc sinformer sur cette matière
passionnante.
Cest quand même un pas de plus de la science dans
le couple...
La science est
au service du patient. Or, les gens trouvent la sexualité
effrayante et nosent pas en parler. Grâce au Viagra,
ils le feront peut-être un peu plus volontiers. Et de manière
positive. Faire lamour, cest bon pour la santé,
et trop de gens en sont privés.
Ne faut-il redouter certains excès dans la prise du
Viagra?
Le stéréotype
veut que lhomme soit adepte de la performance et du visuel.
Certains pensent que larrivée de cette molécule
risque de faire resurgir le « mythe de lhomme bien
membré » et du "malentendu homme-femme"
puisque cette dernière est en général plus
attentive à la dimension affective. Je ne le pense pas.
Espérons que le Belge moyen ne se situe pas dans les divisions
qui ne sont plus celles des populations méditerranéennes
ou américaines.
Et chez les jeunes?
Je ne crois pas
quils vont abuser. Ils vont lessayer par curiosité
ou pour rigoler. Mais je ne pense pas quils vont tomber
dans une sorte de toxicomanie.
Le Viagra serait-il donc la panacée pour les couples?
Certainement
pas, car son taux de réussite avoisine les 70%. Pour les
hommes chez qui il nopère pas, le blocage antérieur
risque dêtre encore plus mal perçu. Par contre,
certains couples vont reparler des problèmes sexuels enfouis
et vont peut-être connaître une seconde jeunesse,
alors que dautres peuvent sattendre à des
crises si la difficulté sexuelle camouflait dautres
conflits.
Convient-il de parler de « révolution Viagra
»?
Pas d'une révolution
mais dune rencontre de loffre et de la demande. Nombre
de patients nous parlent de problèmes dinsomnie
et de troubles cardio-vasculaires qui masquent des pannes sexuelles.
Ils seront soignés. Mais le Viagra nagit que sur
la phase dérection, pas sur le désir. Donc,
prescrit avec une phase de réflexion, il peut presque
convenir à une large gamme de difficultés sexuelles,
organiques ou psychologiques. |