Catherine Mercier |
Vincent profite de la fraîcheur matinale qui ne tarderait
pas à disparaître sous les chauds rayons de l'astre
diurne. Ses cheveux couleur blé virevoltent au rythme
de sa course. Le jeune homme fait son jogging quotidiennement.
Sportif, la silhouette bien balancée, il est plutôt
séduisant. Tout en méditant sur quelques sujets
complexes, il emprunte, par une étourderie plus ou moins
hasardeuse, une route pour le moins chaotique. En se faufilant
entre deux arbres extrêmement rapprochés, il trébuche
sur un objet. |
Il baisse la tête avec une surprise manifeste. Une bouteille?
Il n'avait su que penser de ces deux arbrisseaux au beau milieu
du chemin, mais cette bouteille le fascinait au plus haut point.
Raison supplétive, celle-ci contient un parchemin jauni,
par les années probablement. Non sans hésitation,
il la saisit d'un coup sec, puis tente d'en extraire le bouchon
de liège qui la ferme. Lorsqu'il finit par glisser y les
doigts afin d'y pêcher la feuille, il s'empresse de ressortir
cette dernière. Le message dit : « J'ai besoin qu'on
m'aide! On m'a enfermée dans la tourelle au Piano! »
Le tout rapidement griffonné dans un langage sibyllin.
Complètement affolé, Vincent saute sur ses pieds
et se hâte déjà vers l'endroit désigné.
Il sait exactement où se trouve cette tourelle. Il y a
vielle dans la ville, rue ancienne dont le nom même est
rouillé sur la porte. Et au fond de cette voie, une auguste
résidence. Le jeune homme franchit l'imposant grillage
de fer qui limite la rue. Il se dirige rapidement vers la demeure.
Il a une fois de plus le souffle coupé à la vue
du majestueux domicile. Le coeur battant, il frappe à
la porte. |
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« Qui vient là? », lance une voix tonitruante.
La porte s'ouvre et une vieille femme imposante apparaît.
Vincent commence : « Une jeune fille est ... » Soudain,
un hurlement perce l'air :
« Aaaaauuuu seeecooouuurs! »
Après avoir localisé le cri, Vincent contourne
prestement le côté de la maison, laissant en plan
la femme abasourdie. La jeune fille dans la Tourelle s'est mise
à jouer du piano avec force, d'une façon qui pourrait
trahir de l'exaspération. La fenêtre de la pièce
où elle se trouve est malencontreusement trop haute pour
que Vincent puisse l'atteindre. Afin d'interroger la fille à
propos d'une quelconque échelle disponible sur les lieux,
il lance une pierre et fracasse la vitre.
Un cri bref se fait entendre puis, après un court silence,
la demoiselle en question se penche à la fenêtre
qu'elle a entrouverte.
« Mademoiselle! Vous avez demandé de l'aide,
me voilà!
- Mais de quoi me causez-vous, cher inconnu?
- Votre parchemin, pauvre demoiselle, celui laissé entre
deux arbres sur un chemin perdu!
- Oh mon Dieu! Je l'ai oublié, hier, après la répétition
de théâtre. Hum... veuillez le déposer dans
la boîte aux lettres à l'avant, je n'en ai point
besoin pour l'instant. Et merci! »
Après un dernier sourire, « Juliette »
referma la fenêtre et se remit à jouer du piano,
laissant un « Roméo » complètement
désemparé sous le soleil brûlant. |