OPINIONS

Stress hydrique
par Julie Mosetti-Geoffrey, Pierrefonds, Québec

On qualifie un endroit en état de stress hydrique quand il y a moins de 1000 mètres cube d'eau renouvelable par an et par habitant.

La pensée du jour: "L'eau pourrait devenir un bien commercial très profitable au Canada." (Jean Chrétien)

25% de la population mondiale est privée d'eau potable. On dit qu'en 2050, avec la croissance démographique, ça sera 2,4 milliards de personnes privées d'eau. Sans se noyer dans les chiffres, je constate qu'on baigne dans une inquiétante situation. Entre 1995 et 2000, les problèmes de santé et les décès à cause de l'eau se sont accrus quatre fois plus rapidement que la population. Cela sera amplifié par les changements climatiques, responsables d'inondations affectant de 75 à 200 millions de personnes par an et des problèmes d'eaux potables noyées par l'eau de mer ou par les eaux usées qui étendront des maladies menaçant 40% de la population mondiale. C'est justement cette situation qui amène certains pays à payer beaucoup pour importer de l'eau en grosse quantitié.

Lorsqu'on est en situation de noyade, tout ce qu'on veut c'est respirer, remonter à la surface. C'est une mort horrible… probablement aussi pire que celle de ne pas avoir une goutte d'eau à se mettre sur les lèvres. En Afrique, en Asie et au Moyen-Orient, il y a peu d'eau potable. Mais ça nous passe très haut par dessus la tête! Nous, on a pas ce problème. On consomme en moyenne 150 litres d'eau par jour: douche, chasse d'eau, lave-linge, lave-vaisselle… et on peut aussi rajouter la consommation des industries, des commerces, des artisans, de l'agriculture, des hôpitaux, des écoles, et autres. Le Canada est le pays le plus riche en " or bleu ", (20% de toute l'eau potable de la planète). Devant une telle abondance, les autres pays veulent que le Canada vende d'importantes quantités d'eau douce. C'est une activité qui pourrait être très lucrative, mais qui pose plusieurs problèmes moraux.

Premièrement, l'eau n'appartient pas au Canada. Si on commence à privatiser une chose aussi vitale que l'eau alors bonne chance, parce que dans quelques années on devra payer pour l'air pur! L'eau devrait être un bien public. De plus, selon le Pr. Louise Vandelac, sociologue rattachée à l'Institut des sciences de l'environnement à l'Université du Québec à Montréal et porte-parole de Eau Secours!, une coalition de citoyens, de syndicats et de regroupements environnementaux concernés par la défense de nos eaux, un problème environnemental grave pourrait survenir, si l'on commençait à exporter massivement l'eau en vrac : " On ne peut pas impunément extraire de grande quantités d'eau sans que l'écosystème au complet n'en subisse les conséquences. Il pourrait en résulter des changements sur la biodiversité, sur les berges et les sols, sur la qualité générale des eaux et sur la capacité de notre écosystème à réagir à des perturbations inattendues, des changements climatiques, par exemple ".

D'après moi, la plus grosse honte c'est l'eau embouteillée! Même nous, les canadiens, on paie pour de l'eau aussi bonne que celle qui sort de notre robinet, sans même se soucier de la pollution qu'engendre le plastique dans lequel est fait la bouteille. Mais de toutes façons, la pollution fait-elle partie de nos soucis? Combien de fois on a pollué nos eaux sans même se soucier de ce qui arrivera dans le futur? Par exemple, le 23 mai 2001, les eaux souterraines de six aéroports québécois, ont été contaminées par des résidus de métaux lourds et de pétrole. Une douzaine de lieux d'entraînement de la Défense nationale sont aussi contaminés par des résidus de munitions et des métaux. C'est juste pour montrer la différence entre les deux hémisphères! Ne pensez pas que l'exportation de l'eau nous rendrait plus riches parce que de toutes façons, on est perdants à tous les points de vue. Selon l'ALENA, tout ce qui est autorisé aux entreprises d'un des pays membres l'est aussi aux autres. Ça veut dire que si le Canada autorise une entreprise canadienne à exporter de l'eau aux États-Unis, rien ne pourra empêcher les entreprises américaines de venir exporter les eaux canadiennes. Ce qui peut vouloir dire: épuisement des stocks d'eau potable canadiens. C'est juste au Québec et en Colombie Britannique qu'existe un moratoire qui interdit l'exportation d'eau en vrac, ou en contenants de plus de 18 litres. Ce moratoire va s'achever en 2002. Il faut se dépêcher à adopter une loi sinon bientôt toutes les compagnies pourront exporter l'eau canadienne.

Comme lorsqu'on est en situation de noyade, même si on nous sauve avant de mourir, un suivi est nécessaire puisqu'une seule goutte qui serait entrée dans nos poumons pourrait causer la mort. Ce que je veux amener comme point, c'est que même si quelques villages ont un peu d'eau, il faut règler le problème à la base. Avec les nouveaux accords de libre-échange, l'eau va devenir un véritable commerce. De plus, " le problème, c'est que si on réduit l'eau à une valeur marchande, ça veut dire que les populations non-solvables n'y auraient plus accès. Ce serait donner à des multinationales un droit de vie ou de mort sur des populations entières! " Pr. Vandelac. Quand on lutte conte la mondialisation capitaliste, c'est entre autres parce qu'on a pas oublié que l'eau ça égale vie et non capital!

J'ai soif.

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